La vanille givrée selon Louis Leichnig

Postée le 11/04/2024

La vanille, c’est toute sa vie. Louis Leichnig nous emmène à la découverte de son bien le plus précieux : la vanille givrée. C’est sur le terrain familial qu’il perpétue ce savoir-faire ancestral. Un lieu où la nature est reine.

Il est 8h du matin quand Louis Leichnig monte dans sa voiture et prend le chemin menant à son terrain. Sa parcelle agricole, il l’a héritée de ses parents. Il produit, sur sa quinzaine d’hectares, de la vanille, poussant sur des palmiers rouges.

Armé de sa machette, de son sac à dos en vacoa et du chapeau de sa défunte mère, l’homme de 67 ans se fraye un passage à travers la palmeraie, inspectant chaque recoin de pieds de vanille. Les feuilles mortes sont enlevées, les lianes trop hautes sont descendues à hauteur d’homme, les gousses arrivées à maturité sont récoltées. “Mon papa, mes parents, les ancêtres ont eu à cœur de travailler un produit qui est notre patrimoine, notre histoire”, raconte l’homme adossé à son palmier. “En faisant ça, on a une responsabilité. On a un poids. On ne peut pas les décevoir. On pourrait croire que l’on est riche, mais on n’a pas de sous, parce qu’on vit de notre passion.” Et la passion de Louis est bien évidemment la vanille. Mais pas n’importe quelle vanille. La vanille givrée. Un produit rare et d’exception qui se pare dans le temps de petits cristaux blancs. 

Une transformation sous contrôle

Dans la vanille, c’est le taux de vanilline qui est important. Mais pas que ! Le taux d’humidité entre aussi en compte. “La vanille givrée a un taux d’humidité de 60 à 80%. Une vanille sèche, c'est un taux d’humidité à 40% maximum. Mais c’est surtout le taux d’huile essentielle qui fait la différence. C’est ce qui permet de dire si elle givre, ou non. Peu importe qu’elle soit humide ou pas finalement, elle ne givrera pas s’il n’y a pas assez d’huile essentielle.

Les échecs font aussi partie du jeu, et Louis l’a bien compris. “Il faut parfois avoir le courage de se dire d’abandonner des gousses parce qu’elles ont mal évolué. Ça m’arrive encore d’en avoir après 40 ans de métier. Certaines gousses vont devenir excellentes et d’autres seront transformées en poudre par exemple. On aura de la perte et on aura des mauvaises évolutions.”

Au moment de la transformation des gousses, plus le producteur laisse ses gousses évoluer dans les caisses, plus les problèmes peuvent apparaître. “La culture de la vanille est très compliquée”, raconte Louis, “il faut regarder la plante avant, comprendre si elle est en stress, deviner son stress. Renouveler ses lianes. C’est avec la vanille que j’ai compris qu’elle est vivante, qu’elle s’exprime. Il faut comprendre sa douleur et sa joie.”

Grand poète, Louis considère que c’est la vanille qui détient la baguette magique car c’est elle qui crée le fruit. “Moi je suis là juste pour permettre à ce fruit de voyager dans le temps. C’est la nature qui fait tout.

Les yeux tournés vers l’avenir

On pourrait penser que Louis travaille et déambule seul dans sa gigantesque palmeraie. Pourtant à ses côtés, on retrouve Geoffrey, son fils qui apprend pour reprendre le flambeau, et d’autres employés de l’exploitation. Louis, souriant, explique  : “Moi, il faut que je m’amuse avec mes gousses de vanille. J’en suis arrivé à ce stade maintenant. Je veux m’amuser. Je veux être sur mon terrain, passer une journée à écouter les oiseaux. Chanter, regarder, se reposer, s’asseoir, rêver. Puis retourner à l’atelier et jouer avec mes gousses de vanille.

Et c’est comme ça que Louis envisage son avenir. Son fils dans les récoltes et la transformation, lui, allongé sur son terrain regardant sa précieuse vanille pousser. Le travail d’une vie, à Saint-Philippe, sur l’île de La Réunion.