Très tôt chaque matin, Pascal passe sous ses treilles à Salazie pour veiller au grain. Qu’il pleuve ou qu’il vente, il parcourt depuis son enfance ces plantations qu'il connaît si bien. Cette passion pour ce fruit, il souhaite la transmettre, malgré les défis.
Le chouchou a pris racine à La Réunion, précisément dans le pittoresque village de Salazie. Importé d'Amérique du Sud au 19e siècle par les colons français, il s'est parfaitement acclimaté grâce aux paysages verdoyants, au climat idéal et à la pluviométrie favorable du cirque. Connu sous le nom de chayotte dans l'Hexagone et de christophine aux Antilles, ce fruit est devenu un emblème à La Réunion. Apprécié de sa liane à sa chair tendre jusqu'à son fruit juteux, tout se travaille dans le chouchou.
Les agriculteurs mis au défi
Le chouchou fait la fierté des agriculteurs comme Pascal, 58 ans. De père en fils, cette passion se cultive et se transmet. "Mon père était agriculteur, mon frère était agriculteur, et moi aussi je le suis". Aujourd'hui, les défis sont nombreux pour Pascal. Le changement climatique perturbe de plus en plus les récoltes. "Sur quinze années, on a des sécheresses quatre années sur cinq. Pendant trois mois, on doit ensuite réinjecter de l’argent" pour rebondir, explique-t-il. À cela s'ajoutent les cyclones plus violents et les pertes liées à la mouche des fruits et légumes qui ravage les plantations. La sécheresse, en particulier, pose un problème majeur pour les chouchous qui nécessitent beaucoup d'eau pour se développer, une eau qui peut devenir un fardeau lors des passages de cyclones.
Pour préserver cet emblème du cirque, Pascal est devenu président de l’Association de Défense des Intérêts des Agriculteurs de Salazie, un rôle essentiel pour préserver la filière locale. Il participe aussi à l’organisation de la fête du chouchou dans le village de Hell-Bourg. Du 26 au 28 juillet 2024, avec d’autres acteurs de la filière, le but est de promouvoir la richesse du fruit. “Les Réunionnais connaissent bien le chouchou ! Durant la fête, il y a de grosses quantités à des prix bas pour permettre à chacun de repartir avec du chouchou”.
La polyvalence du chouchou
Apprécié pour sa polyvalence tant culinaire qu’artisanale, le chouchou peut être consommé de diverses manières : "Tendre, il peut être consommé sous forme de daube. Plus dur, on peut en faire des gâteaux". Les brèdes chouchou sont eux aussi un incontournable de la gastronomie réunionnaise. Sa chair blanche et ferme se prête à diverses préparations : gratin, daube chouchou, chouchou farci... Les jeunes pousses, appelées brèdes, sont cuisinées comme des épinards. Même le tubercule est délicieux une fois frit, et la graine au goût de noisette est savoureuse après cuisson. Mais le chouchou ne se limite pas à la cuisine : les tiges séchées sont tressées pour fabriquer des tongs, des chapeaux et des sacs. Cet usage complet et varié fait de lui un légume d’exception, emblématique du cirque de Salazie.
Un héritage à préserver
Pour Pascal, cultiver le chouchou est un héritage qu'il respecte et entretient. “J’aime la partie marchande de mon métier, où je suis en contact avec les gens. Mais ce que j’aime le plus, c’est passer dans mes plantations le dimanche, prendre le temps de les regarder et de leur parler. C’est important, les chouchous nous écoutent”. Cette connexion avec ses racines aide Pascal à persévérer et à cultiver son attachement pour le futur.
“J’espère qu’il y aura toujours cette verdure et ces paysages à Salazie. C’est un beau métier, je remercie le Seigneur”. L'avenir du chouchou à Salazie reste prometteur, pour le plaisir des Réunionnais qui en raffolent. Avec ses nombreuses utilisations et son importance culturelle, il continue de symboliser l'esprit de Salazie. Par son identité, il fait aujourd’hui partie du patrimoine réunionnais et est une fierté pour les habitants.