C’est quoi une addiction ?

Postée le 07/09/2022

Chrystal Leroyer est infirmière en addictologie pour l’association Addictions France. Travaillant en binôme avec un éducateur spécialisé, son rôle est d’apporter soutien, aide et écoute aux personnes dans le besoin. Interview : 

Amandine : Chrystal, pouvez vous commencer par vous présenter et parler de votre métier ? Votre quotidien sur le terrain ?

Chrystal : Je m’appelle Chrystal Leroyer, je travaille pour Addictions France en tant qu'infirmière équipe mobile addictologie, et mon binôme est éducateur spécialisé. On travaille beaucoup sur le terrain. On va au contact de la population. L'idée étant d'offrir une opportunité aussi aux personnes, de se soigner. De soigner leurs addictions, de les ramener dans le parcours de soin. On n'arrive pas sur place avec notre pancarte "Addictions France", On essaye d'être vraiment dans le contact, d'humains à humains. De ce que je peux constater sur le terrain, c'est que la communication peut être compliquée entre les différentes instances, différentes structures, différentes associations. L'important en fait, pour la personne qui est soignée, c'est de communiquer. Et c'est important aussi de véhiculer ça pour les personnes, mais pour aussi changer l'image qu'on a des addictions dans la société.

Amandine : Comment se qualifie la prise en charge d’un patient addict ? L’addiction n’est pas forcément liée au statut social, elle touche n’importe qui ?

Chrystal : Chaque addiction est différente. Les prises en charge sont différentes, mais les personnes sont différentes aussi, donc il faut faire avec. Les addictions touchent n'importe qui, de près ou de loin, on est tous confrontés à quelqu'un dans notre entourage qui souffre d'une ou plusieurs addictions. Donc c'est aussi le message, tout le monde est touché. On prend la personne dans sa globalité. Je crois vraiment qu'en matière d'addictologie, ce qui est le plus compliqué, c'est le déni des personnes. Parce que, quand elles n'ont pas conscience de leurs troubles, et bien, là, c'est difficile de les faire changer. Actuellement, le plus difficile, c’est d'être confronté à la misère des gens. Parce qu'il y a beaucoup beaucoup de misère, beaucoup de précarité à La Réunion.

Amandine : Comment se fait le repérage sur le terrain ?

Chrystal : L'idée c'est vraiment d'aller vers les personnes, donc nous on fait un repérage sur le terrain. Le travail partenarial nous permet aussi de nous aider au repérage en fait, des personnes qui souffrent d'addiction pour les ramener vers le parcours de soin un peu plus classique après, avec un étayage pluriprofessionnel.

Amandine : Le déculpabilisation de la personne malade passe par quoi ?

Chrystal : Ça passe par des mots qu'on transmet à la personne qui souffre, en essayant aussi de lui redonner confiance en elle, en lui disant : "Voilà, il y a une maladie, il y a une difficulté, mais on peut s'en sortir." De redonner de l'espoir aux gens, de redonner confiance, de booster l'estime de soi et aussi sur les réseaux sociaux vis à vis des addictions.

Amandine : Quel est le lien entre addictologie et santé mentale ?

Chrystal : On ne sait pas si c'est l'addiction qui est arrivée avant le trouble mental ou si c'est l'inverse. C’est comme la poule et son œuf. Ça peut être les deux. De mon point de vue, ça se traite en même temps. quand il y a les deux troubles, mais ça reste assez difficile, parce que l'addictologie et la santé mentale sont clivées. Ce qu'il faut comprendre dans le principe de l'addiction, c'est que la rechute fait partie, en fait, du processus de rétablissement. On va avoir le déni et puis plusieurs étapes en fait. Et souvent, on stigmatise la rechute. On dit :  "Bon voilà, il rechute, il ne s'en sortira pas, c'est comme ça”. Il y a des personnes qui ont rechuté 5, 10 fois, qui vont retourner en cure 5, 10 fois, et à un moment donné, il y aura un déclic et il y aura un vrai changement. La difficulté, peut-être, c'est la temporalité, parce qu'on ne va pas régler une addiction comme on règle une grippe. Ça prend du temps, c'est une maladie chronique, ça peut durer des années. C'est ce qui, peut-être, est le plus dur. Mais on peut s'en sortir. C'est important de véhiculer une image d'espoir aussi.

Amandine : Merci beaucoup Chrystal.

Chrystal : Merci à vous.