Tabac chimique : Les tribulations d’un ancien addict

Postée le 04/11/2022

Longtemps sous l’emprise de la consommation de tabac chimique, Idriss raconte les séquelles que cette drogue laisse sur le public le plus précaire de l’île. 

Caché derrière ses grosses lunettes noires, Idriss, plein d’espoir et d’ambition pour les jeunes Dionysiens, a apporté son regard sur le trafic de tabac chimique à La Réunion. 
Dans les services hospitaliers 70 personnes intoxiquées à cette drogue dure ont été recensées en 2021. 

Le tabac chimique se répand comme une traînée de poudre sur l’île depuis 2014. Certains se sont donné la mort sous l’effet de cette drogue puissante, d’autres sont actuellement dans des états léthargiques et encore dépendants. Un état végétatif qui passe aussi par des évanouissements, des crises de transe, des vomissements, des excès d’agressivité. 

Le tabac chimique, c’est une mixture sans odeur singulière, rangée dans de petits papiers pliés.  

Consommé comme des cigarettes roulées lambdas, le mélange se compose non seulement des feuilles de tabac, mais aussi d'alcool, de cannabis de synthèse et autres substances toxiques qui ne devraient pas être consommées par l’Homme. 

Trop facile 

Fabriquée dans des laboratoires pharmaceutiques indiens ou chinois, la substance toxique auteure de tant de dégâts se présente sous forme de poudre ou encore  de liquide qui peut être vaporisée sur les feuilles de tabac.

Dès lors que la substance est vaporisée, il devient compliqué de déceler si oui ou non cette cigarette roulée contient plus de substances qu’un consommateur pense absorber.

“La poudre blanche, c’est facile d’en avoir, tu t’en fais livrer rapidement…” l’ancien consommateur confie qu’il est aujourd’hui presque trop évident de se lancer dans ce business tant commander la matière première ne coûte rien. 

“Relation toxique”

Connue pour être très vite addictive, cette drogue est chez certains dealers offerte à la première prise aux personnes les plus précaires. Très vite, les effets psychotropes créent l’envie d’en reprendre, c’est alors le début d’une relation de soumission chimique. 

Idriss, aujourd’hui sevré, argue le fait que cet effet que les fumeurs vont chercher  est illusoire, que la réalité est bien plus importante et qu’il est important aujourd’hui de sensibiliser et stopper ce trafic de tabac chimique arrivé sur l’île avec l’immigration. 

La réalité 

“Tu fumes, tu tombes, les dealers te volent tes papiers, tu ne peux même pas aller porter plainte, tu te retrouves frustré.” Selon Idriss, les dealers sont au courant de la zone géographique où ils feront leur chiffre d’affaires. Très souvent, des vendeurs sont postés près des centres d'accueil et profitent du contexte pour abuser de personnes SDF ou au chômage. 

Un coût non négligeable 

Une petite barrette de tabac chimique peut coûter 20 euros. “On m’en offre, on m’en propose, mais je n’en veux pas.” Aujourd’hui, avec un rire jaune, Idriss explique : “Il ya toujours des gars qui essaient de te tenter, surtout quand il savent que tu es un bon payeur…” 

Le jeune Réunionnais tourne la tête en lâchant : “Quelques-uns sont déjà morts, à cause de grosses palpitations au coeur”. Dans un soupir, Idriss confie d’une voix claire :“Je ne veux pas ça pour le public réunionnais !”