Violé lorsqu’il était enfant par un membre de sa famille, Nicolas Puluhen écrit pour se soigner mais aussi pour aider les autres à se libérer de ce fardeau. Un phénomène tabou dont l’ampleur est encore sous-estimée et qui ne cesse de créer des traumatismes.
L’inceste, fait d’actualité depuis des siècles, est pourtant encore un sujet tabou. Avec son premier recueil “Mon Ptit Loup”, Nicolas Puluhen s’engage à ne plus taire ce qu’il a gardé comme secret pendant près de 47 ans.
“Entre 5 ans et 7 ans, j’ai été abusé par mon cousin dans la cellule familiale". Cheveux grisonnant, aujourd’hui souriant, le quinquagénaire nous livre son histoire. Sa première thérapie, une chanson de Pierre Perret, “Mon P'tit Loup”, qu’il a écoutée en boucle pendant de nombreuses années. Sur son bras, le titre de la chanson est tatoué comme pour signifier une bataille gagnée. “Ça a duré deux ans, ça se passait les mercredi après-midi chez ma grand-mère, j’ai dû vivre avec ça, je n’en n’avais jamais parlé. Je n’ai jamais oublié.”
Si l’amnésie traumatique en touche plus d’un dans notre société, Nicolas Puluhen n’a rien oublié. Dès l'âge de 12 ans, il trouve des remèdes pour ne pas y penser. . “Je travaillais très bien mais à côté j’étais complètement déglingué.” Nicolas explique comment adolescent, il a essayé de se soulager avec l’usage de drogues. Dissimulant son mal-être à ses parents, il consommait pour atteindre un “paradis artificiel”, essayant d’échapper à ces douleurs psychiques se transformant en maux physiques. “On a une lourdeur en soi, on se sent oppressé", confie l’auteur.
Pour écrire son livre, Nicolas a travaillé la sémantique. Il a fait de nombreuses recherches afin d’adopter le vocabulaire le plus adapté possible. Les détails restent gravés, parce que ce traumatisme, il n’a jamais mis de voile noir dessus. En lisant son livre, on vit avec lui comme des spectres flottants au-dessus de la scène. Pour les victimes d’inceste, de viols, d’agressions, d’abus, il est malheureusement parfois très facile de se souvenir de l’odeur, du temps, des détails du cadre spatio-temporel où elles ont été blessées.
Nombreuses sont les victimes qui refusent d’en parler, d’imaginer, et pensent se soigner en gardant bien enfouie toute cette douleur.
Nicolas Puluhen l’écrit si bien, évoquant “des choses qu’un esprit sain ne veut pas imaginer, que les oreilles ne veulent pas entendre”. Se libérer de ce poids est un véritable exercice, pour qui sait le faire et qui sera à même d’entendre et d’aider, même si le fardeau est lourd.
Le livre incite à libérer la parole. “J’en suis à 25 ou 30 personnes qui m’ont dit avoir subi des violences sexuelles” déplore l’auteur. “T'en fais pas, mon p'tit loup, C'est la vie, ne pleure pas. T'oublieras, mon p'tit loup, ne pleure pas.”
Crier, pleurer, se rebeller, se libérer, dire… Et si être un petit loup ce n’était pas aussi se libérer et ne rien terrer. Et s'il fallait surtout se rappeler, comme l’a fait l'auteur, pour aider son prochain, pour renverser les fardeaux et se construire, être plus fort tel un loup ?